(Extenseur ulnaire du poignet)
Rappel anatomique
En proximal le muscle extensor carpi ulnaris (E.C.U.) s’insère sur la face postéro-inférieure de l’épicondyle latéral de l’humérus, sur le versant latéral du bord postérieur de l’ulna, sur la face profonde du fascia antibrachial. En distal il s’insère sur la face dorsale de la base du cinquième métacarpien. Le tendon de l’E.C.U. se situe dans le 6ème compartiment des extenseurs au niveau du poignet qui lui est spécifique. C’est une poulie à part, recouverte par le rétinaculum des extenseurs, qui contourne l’ulna pour s’insérer sur la face palmaire du poignet sur le pisiforme et le fascia de l’abducteur de l’auriculaire. Ceci permet aux deux os de l’avant-bras de tourner l’un par rapport à l’autre lors de la prono-supination au niveau de l’articulation radio-ulnaire distale. En pronation, il existe un espace palpable entre le tendon de l’E.C.U. et le tendon de l’extensor digiti minimi ; par contre en supination ces deux compartiments se rapprochent et aucun espace n’est palpable.
Le tendon de l’E.C.U. joue un rôle important dans la stabilité de l’articulation radio ulnaire distale à condition, comme l’ont bien précisé Spinner et Kaplan, que le sixième compartiment soit intact. En dehors de l’E.C.U., la tête de l’ulna est maintenue par le ligament triangulaire, qui est un élément important de la stabilité. Les ligaments antérieur et postérieur radio-ulnaires distaux, le muscle carré pronateur et les surfaces articulaires de l’articulation radio-ulnaire distale sont des éléments de stabilisation moins importants.
D’après Spinner et Kaplan, après section du ligament annulaire dorsal, les ligaments radio-ulnaires distaux et le ligament triangulaire, la tête ulnaire reste stable en supination et est maintenue par le tendon de l’E.C.U. En pronation elle n’est plus stable à cause de la latéralisation interne de l’E.C.U. Si la gouttière ostéo-fibreuse de l’E.C.U. est sectionnée, même en supination la tête ulnaire est instable et se subluxe en arrière. Il existe une liaison entre ces différentes structures, notamment le ligament triangulaire et la gouttière ostéo-fibreuse de l’E.C.U. qui forment un système fibreux commun et étendu jusqu’à la base du cinquième métacarpien, la gouttière étant une extension du ligament triangulaire, ce qui explique les associations lésionnels de ces deux structures.
Étiologie
On décrira l’étiologie de la pathologie du 6ème compartiment (tendinite, instabilité et rupture de l’E.C.U.) de façon globale puisqu’il y a certaine liaison entre ces formes nosologiques avec probable passage d’une à l’autre dont l’explication est dans le chapitre de pathogénie. C’est la lésion plutôt spécifique des tennismen professionnels (toute la pathologie rhumatoïde exclue), mais peut également survenir lors des traumatismes du poignet (fracture du radius distal). Les lésions du 6ème compartiment surviennent classiquement en hyper-supination, flexion palmaire et inclinaison ulnaire. Le tendon de l’E.C.U. dans le 6ème compartiment à un trajet direct vers son insertion à la base du 5ème métacarpien en pronation. Par contre en supination il fait un angle aigu en direction ulnaire, majoré en déviation ulnaire du poignet ce qui entraîne une force contre la gaine ostéo-fibreuse en direction de la contraction musculaire. Chez les tennismen, l’impact répété des balles, ainsi que le lift fort ont été considéré comme des facteurs favorisants de ce genre de traumatisme. Lors du coup à deux mains, c’est la main non dominante, plus près du cadre de la raquette qui est exposée car elle est en position de supination.
La lésion du 6ème compartiment a été décrite essentiellement chez les tennismen mais également chez les golfeurs, joueurs de base-ball, rameurs, haltérophiles, joueurs de hockey sur gazon, basket-ball, cavaliers de rodéo. Des ruptures de l’E.C.U., bien que très rares, ont été également décrites chez les sportifs professionnels (tennis-woman et joueur de hockey).
Pathogénie
La plupart des cas rapportés dans la littérature ont été décrits comme accidents aigus sans histoire douloureuse du compartiment ulnaire, le plus souvent revus à distance après le traumatisme initial, jusqu’à 15 mois en moyenne selon certains auteurs. Néanmoins il existe une autre hypothèse qu’une tendinite chronique précède la rupture de la gaine fibreuse en la dilatant progressivement. D’autres auteurs ont émis l’hypothèse d’une distension de la gaine qui entraînait une subluxation du tendon de l’E.C.U. conduisant à une rupture partielle suite au frottement de ce dernier contre la styloïde ulnaire.
En fait, en ce qui concerne l’instabilité de l’E.C.U., il s’agit plus d’un décollement périosté à la face interne de la tête de l’ulna comme l’ont prouvé les études IRM que d’une rupture vraie de la cloison propre de l’E.C.U. Ceci explique que correctement traitées, ces lésions peuvent cicatriser sans séquelles et les cas opérés sont rares.
Il est admit que des contraintes physiologiques peuvent étirer le tendon jusqu’à 4% de sa longueur. Un étirement au dessus de 8 à 12% entraîne la rupture complète du tendon. Les contraintes supérieures aux contraintes physiologiques, mais en dessous de la force capable de faire rompre le tendon, sont considérées comme des traumatismes de surmenage. Au niveau moléculaire, les travaux fondamentaux récents montrent que les contraintes répétées peuvent activer les enzymes spécifiques des ténocytes et augmenter leurs réactions inflammatoires ce qui peut entraîner la dégradation du collagène avec dégénérescence, fibrose tendineuse et apoptose des ténocyte. Il a été démontré que les contraintes répétées et exercées sur un tendon, ont été capables d’activer des substances pro-inflammatoires, qui sont impliquées dans la dégradation du collagène, donc – la dégénérescence tendineuse. Ces substances témoignent à la fois du recyclage des éléments tendineux, mais en même temps peuvent avoir un impact sur la dégradation élevée du tendon ou d’autres éléments fibreux si la reconstitution n’est pas adéquate.
Ceci explique que les endroits qui subissent les contraintes élevées (l’E.C.U. et sa gaine fibreuse dans ce cas particulier) peuvent être soumis à un environnement inflammatoire, qui à son tour par l’intermédiaire des cytokines et enzymes cataboliques peut entraîner la lésion tendineuse, l’atténuation de la gaine fibreuse, etc.
Signes cliniques et diagnostic
La clinique de ces lésions se présente schématiquement sous deux formes : aiguës et chroniques.
Signes cliniques de l’accident brutal
A la suite d’un traumatisme les signes cliniques sont assez typiques et comprennent une douleur avec gonflement immédiat du bord interne du poignet. La contraction isométrique de l’E.C.U. est sensible. Il existe un œdème et une douleur à la palpation. Le maître symptôme est la supination passive forcée qui est toujours très douloureuse alors que les flexions palmaire et dorsale sont normales. Le lendemain, le bilan clinique est souvent pauvre.
Signes cliniques de la tendinite de l’E.C.U.
Dans les formes chroniques de tendinite de l’E.C.U., on retrouve une douleur progressive pendant le jeu, douleur du bord interne typique de tendinite, qui apparaît en début de partie et disparaît après 5 à 10 min d’échauffement. La douleur augmente progressivement à l’arrêt du jeu. On retrouve également un empattement douloureux à la palpation et la supination passive en inclinaison ulnaire est là encore constamment douloureuse. Un ressaut de l’E.C.U. en prono-supination est souvent présent avec claquement parfois audible.
Les examens supplémentaires lors de l’accident aigu seront prescrits en fonction de la pathologie.
Ils cherchent à étudier l’E.C.U., sa position, une éventuelle synovite ou tendinopathie, un décollement de la gouttière ostéo-fibreuse, une brèche ligamentaire, ainsi qu’une lésion luno-triquétrale ou du T.F.C.C. qui font partie du diagnostic différentiel et peuvent être associés à une lésion de l’ E.C.U. (surtout le T.F.C.C. parce qu’il est étroitement lié au 6èmè compartiment et forme la même structure anatomique selon certains auteurs).
Traitement
Le traitement médical consiste en une immobilisation du poignet dans une orthèse de repos pendant 7 à 8 semaines, d’un arrêt du traumatisme causal, d’une modification et adaptation du matériel, d’une physiothérapie, d’un renfort musculaire et des A.I.N.S. Les infiltrations devraient être rarement utilisées devant le risque de rupture. La reprise du sport ne se fera qu’après disparition complète des douleurs et cette reprise sera progressive au mieux après IRM de contrôle prouvant l’absence d’inflammation au niveau du rétinaculum.
Parfois, on est amené à proposer un traitement chirurgical ayant comme indications opératoires une tendinite de l’E.C.U. avec rupture, une luxation ou une déstabilisation de l’articulation radio-ulnaire distale et enfin une tendinopathie fissuraire. Les indications relatives sont les tendinites résistantes au traitement médical ou une gène fonctionnelle majeure.
Pour stabiliser le tendon de l’E.C.U. dans la coulisse ostéo-fibreuse du 6ème compartiment, plusieurs techniques chirurgicales ont été décrites : un lambeau périosté, une fixation du ligament annulaire dorsal au périoste ulnaire, un lambeau du ligament annulaire dorsal laissé pédiculé au niveau de la partie interne du 5ème compartiment, avec ou sans renfort du côté interne, une suture directe et enfin un lambeau libre prélevé au bord inférieur du ligament annulaire dorsal du carpe. Ce lambeau permet la reconstruction anatomique n’entraînant pas de gêne fonctionnelle et tout en gardant l’amplitude de prono-supination complète.
La pathologie de l’E.C.U. parfois très invalidante et méconnue peut conduire à une gène majeure avec risque de rupture tendineuse. Le traitement peut être médical ou chirurgical. L’immobilisation permet, même en cas de luxation, une cicatrisation du rétinaculum tandis que la chirurgie permet de reconstruire la gaine fibreuse du tendon de l’E.C.U., ou le réparer si nécessaire.
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